Anastasia Nicolaïevna Romanov (1901-1918) est la fille du Tsar Nicolas II et de l’Impératrice Alexandra. En 1915, elle a donc 14 ans. C’était une petite fille curieuse et désireuse d’apprendre ; elle parlait d’ailleurs parfaitement bien l’anglais. Par la suite, devenue jeune fille, elle paraîtra moins désireuse d’apprendre, notamment la langue allemande qu’elle n’a jamais su parler. Par contre c’était un véritable boute-en-train, et on peut dire que de ce point de vue, son « clone » de jeu reste bien fidèle !

Il semblerait également qu’elle portait un certain intérêt à la photographie. Dans une lettre à la femme de son précepteur, elle écrit : « Voilà ! Les photographies sont prêtes, et vous les envoie ; et à votre mère j’envoie celle où vous êtes en train de prendre le thé. » Est-ce pour cela que dans le jeu, elle utilise un appareil photographique pour piéger Raspoutine et également pour combattre ?

« Une enfant gracieuse, mince, aux traits réguliers, au visage ovale encadré de longs cheveux sombres, dont les boucles enserrent les épaules ; des yeux noirs un peu tristes ». Voici décrite Anastasia par Alain Decaux dans son livre « L’énigme Anastasia ». Les quelques photos que j’ai pu trouvées confortent cette description, assez générale il faut bien le reconnaître. Je laisserai à chacun le loisir d’étudier les ressemblances et différences physiques entre Anastasia et son « clone » de jeu.

Mais pourquoi ce personnage apparaît-il ici ? Pourquoi pas l’une de ses trois sœurs (qui d’ailleurs, fait mystérieux, ne sont jamais citées dans le jeu), ou son frère Alexis ? L’Histoire nous le raconte.

A la suite de la Révolution de mars 1917, la famille Romanov, ainsi que quelques fidèles et serviteurs, sont retenus prisonniers d’abord aux environs de Petrograd, puis à Ekaterinbourg. Leurs conditions de détention sont relativement bonnes et c’est sans se douter de rien qu’ils sont conduits, une nuit de juillet 1918, dans une salle de la maison. Ils y sont tous fusillés. La fusillade dure quelques minutes, puis les survivants sont achevés à coups de pistolets ou de baïonnettes. Les corps sont ensuite tous déshabillés, puis transportés dans la forêt voisine, où on les démembre. On jette le tout dans une fosse où on déverse une grande quantité d’acide. On fera brûler ce qui aura résister à ce traitement.

Et pourtant, un beau jour de février 1920, à Berlin, la police sauve du suicide une jeune femme. Lors de l’interrogatoire, elle refuse de révéler son identité. On la place alors dans un hôpital, où certaines personnes croient reconnaître en elle la princesse Anastasia Romanov. L’inconnue, qui s’exprime dans un allemand parfait, ne dément, ni n’affirme rien ; elle se contente de laisser le doute planer ; elle adopte donc l’attitude inverse d’un imposteur. Peu à peu, ses souvenirs semblent revenir, et plusieurs personnes semblent persuadées qu’il s’agit bel et bien d’Anastasia. En revanche, certains autres sont sûrs du contraire. Ainsi vont s’opposer les « fanatiques » et les « détracteurs » pendant plus d’un demi-siècle, sans qu’aucune véritable réponse ne puisse être donnée. L’intéressée elle-même, si elle ne tire aucun avantage dû à son supposé titre, semble être totalement persuadée, en toute bonne foi, d’être Anastasia.

On sait aujourd’hui, grâce à des tests ADN, que cette femme s’appellait Franziska Schanzkowska (ci-contre, une des rares photos que l'on possède d'elle car elle se laissait rarement prendre en photo), qu’elle était polonaise, et qu’elle se tenait à l’écart de sa famille, raison pour laquelle elle n’a jamais cherché à rentrer chez elle.

C’est grâce à cette très troublante histoire, et cette vie d’une imposture non voulue, qu’Anastasia est restée dans l’Histoire, et aussi pourquoi nous la retrouvons dans Shadow Hearts : Covenant : comme une figure mythique du XXème siècle.

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