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“Mars et ça repart” : voilà un adage parfait pour débuter notre OST du mois ! Après vous avoir proposé de découvrir au cours de nos dernières rubriques des nouveautés, nous vous invitons cette fois-ci à (re)découvrir la bande-son d’un jeu plus ancien, Disgaea : Hour of Darkness, un Tactical-RPG sorti en 2003 au Japon sur PS2. Cet article nous permettra également de revenir sur l’œuvre de Tenpei Sato, un acteur incontournable de la musique de jeux. Comme d’habitude, n’hésitez pas à commenter tout ça sur notre forum, à partager (massivement !) notre rubrique et à cliquer sur le bouton “j’aime” ci-dessous pour nous montrer combien vous aimez ce que l’on écrit pour vous avec amour tous les mois !
Tenpei Sato est né à Tokyo, au Japon. Il a commencé à jouer du piano à l’âge de 6 ans, et a composé pour la première fois (un morceau pour guitare) à 12 ans. Parmi les artistes qui l’ont influencé, on retrouve Queen, Debussy, Isao Tomita, Ryuichi Sakamoto, ou encore Kate Bush. Après s’être fait remarqué au lycée pour ses talents d’artiste (compositeur, acteur pour des comédies musicales et des pièces de théâtre), Sato s’oriente vers une carrière d’enseignant. Sa destinée va être chamboulée par un incident. Après une expérience de mort imminente, il décide de se lancer dans une carrière musicale et intègre un collectif musical japonais, le « Geinoh Yamashirogumi », où il étudie les musiques ethniques et apprend la programmation sur synthétiseurs qu’il associe avec des instruments et des voix. C’est également là, qu’il découvre la « game music » et décide qu’il va se lancer dans cette discipline prometteuse. Lors de son premier emploi, chez Telenet Japan, il œuvre en tant que compositeur sur Exile (un Action-RPG de 1988) et Valis II (un side-scroller sur PC Engine en 1989). Il devient ensuite indépendant est choisi dans un premier temps d’œuvrer pour Glodia où il travaille sur Emerald Dragon (en 1989 avec Nobuhito Koise), Vain Dream (en 1991 avec d’autres compositeurs dont Abreath Nakamura) ou encore Bible Master II (en 1994). Il rejoint peu après Birdie Software et produit des bandes-son pour quatre de leurs jeux. En 1998, il travaille pour la première fois avec Nippon Ichi Software, avec un premier titre, The Puppet Princess of Marl Kingdom (Rhapsody : A Musical Adventure). C’est grâce à ses productions pour ce développeur qu’il va gagner une renommée internationale et étendre sa « fanbase », notamment avec la série des Disgaea, La Pucelle : Tactics ou encore Phantom Brave.
L’œuvre de Tenpei Sato est si intimement liée aux RPG de Nippon Ichi (et inversement) qu’il est difficile d’imaginer l’un sans l’autre. Cette OST de Disgaea est sans aucun doute le premier coup de maître de Sato. En effet, s’il nous plonge directement dans un univers musical joyeux avec la première piste, la seconde (Hell's Whisper) part directement dans une atmosphère beaucoup plus magique, avec une orchestration très soignée. Changement d’atmosphère avec cet humour si caractéristique de Sato dans la troisième piste, Welcome to the Overlord's Castle, suivi par la mystérieuse quatrième, Ghost Descent. Si l’on reconnaît aisément le style de Sato dans ces quatre premières pistes, elles n’en demeurent pas moins très différentes dans leur atmosphère, ce qui est toujours bon signe pour un compositeur. Mais, outre les différentes atmosphères proposées, Sato peut également adopter plusieurs styles. Ainsi, à un certain classicisme des premières pièces s’oppose le Boogie pour le personnage d’Etna. L’OST va ainsi passer de musiques bien rythmées et plutôt complexes (Witch Hunting, Beautiful Round Dance) à d’autres plus mélodiques (Sorrowful Angel), même si on n’échappera pas à une certaine redondance du propos musical, par exemple avec des pistes comme Mischievous Demon's Footfall ou A Dark Race Becomes Magnificent. Certaines pistes sont également beaucoup plus passe-partout (Dear Friends ou encore The Anthem of Braves). Quoiqu’il en soit, l’aspect répétitif est également dû à l’orchestration, qui utilise souvent les mêmes sons ou instruments (l’accordéon notamment), ce qui pourra peut-être lasser tout au long de l’écoute. Malgré une qualité quasi-constante, nous avons quelques morceaux qui sortent clairement du lot, comme la franche et fière piste Hystelic Kingdom, assez recherchée harmoniquement, tout comme la magique pièce intitulée Marionette of Tragedy. D’autres pistes marqueront à jamais les joueurs, comme l’excentricité assumée de Rosen Queen Co., Underworld Branch ou encore Battle of Eight Beat. A côté de cela, on pourra aimer ou trouver ridicule le duo d’opérette présent dans Ah, My Magnificent Life, parodiant tout aussi bien le O Sole Mio bien connu que l’opéra Carmen de Bizet. Rares sont les pistes ratées ou manquant cruellement de goût, comme You Go Girl qui joue beaucoup trop sur son aspect satirique, oubliant inexplicablement une certaine qualité musicale. Heureusement, cela se fait rare, et le second CD de l’OST est également d’excellente qualité, avec des incursions dans d’autres domaines (The Great Wild) et la découverte d’autres ambiances plus mystiques ou angoissantes (Fearless Whisper). Le tout se conclue sur une chanson aussi inattendue que réussie. Avec des apparences de musiques faciles et légères, il ne faudrait cependant pas s’y tromper : les compositions sont bien plus savantes qu’il n’y paraît et révèlent même une bonne maîtrise de la musique. Plus important encore, l’univers musical proposé entre en parfaite adéquation avec l’esprit et les visuels du jeu. Globalement, les harmonies sont bien placées, sans lourdeur dans les accords et dénotent donc d’un travail remarquable. On pourra même être surpris, en écoutant attentivement cette OST, de la diversité proposée par le compositeur, car si elle fait la part belle à l’humour, certaines pistes nous emmènent clairement du côté du mystère, du recueillement, et bien d’autres aspects de la nature humaine.
Natahem : Je n’ai jamais été trop branché par les T-RPG, et pourtant je garde de Disgaea un très bon souvenir. C’est sans doute l’un de mes RPG préférés de la PS2, et la bande-son n’y est pas pour rien ! Le style de Sato est assez particulier, et il est clair qu’il ne plaira pas à tout le monde. Mais là pour le coup je trouve qu’il colle parfaitement au côté décalé du jeu. L’ambiance jazz « joyeusement satanique » donne la pêche et les thèmes de combats sont parfois très prenants (comme Witch Hunting). Les morceaux chantés tels que les thèmes de Laharl ou d’Etna sont tout simplement géniaux (même si, de mémoire, ils ne sont pas inclus dans le jeu en lui-même) ! Le côté jazz avec des pointes démoniaques retranscrit à la perfection ces personnages, et le détournement de thèmes héroïques en dérision marche très bien. L’OST contient aussi quelques musiques plus douces tout à fait sympathiques (Dear Friends, Sorrowful Angel, Red Moon) et des morceaux uniques qu’on ne trouvera jamais avec d’autres compositeurs (Marionette of Tragedy). Bref, j’ai adoré et j’adore encore cette OST. De tous les travaux de Tenpei Sato que je connais, c’est sans doute celui que je préfère. Une bande-son que je recommande fortement (pour peu qu’on accroche à son style particulier bien sûr). Chris17cp : Difficile d’imaginer Disgaea autrement qu’avec des pistes composées par Tenpei Sato. L’artiste a su en effet insuffler une identité propre à ce titre avec des musiques qui collent parfaitement avec l’ambiance déjantée de ce Tactical-RPG (par exemple avec l’entraînant AKUMA Drops). Les thèmes (chantés) de Laharl (Lord Laharl's Hymn) et d’Etna (Etna Boogie) ont un petit côté music-hall vraiment sympathique et décalé, côté décalé que l’on peut par ailleurs retrouver dans d’autres pistes telles que le très italien Ah, My Magnificent Life qui peut rappeler un morceau d’opérette. On peut également ressentir ce type d’inspirations hybrides dans des morceaux dansants (A Dark Race Becomes Magnificent et Beautiful Round Dance). Tenpei Sato n’en oublie pas pour autant de faire preuve de subtilité et nous propose également quelques morceaux emprunts de douceur comme Dear Friends et Flower of Happiness voire de nostalgie (Sorrowful Angel). Cette OST contient également quelques thèmes de combat remarquables qui viennent soutenir l’action (Witch Hunting et Battle of Eight Beat). Bref, l’ensemble est très particulier mais également assurément sympathique. Wolf : Disgaea est très certainement ma deuxième série de jeux vidéo favorite après les Shin Megami Tensei, mais compte tenu de mon aversion pour les Tacticals en général, cet amour n’aurait pas pu naître sans un bon nombre d’arguments en sa faveur. L’un d’entre eux, c’est cette synergie très aboutie entre les musiques composées et l’univers dépeint, qui aide à donner corps et substance aux personnages et aux situations. Loufoque, burlesque, pas dénué de dangers mais bon vivant et sans soucis, le Netherworld et ses habitants vibrent de concert avec les sonorités enthousiastes de Tenpei Sato. Une bande-son rythmée, éclectique et forte d’un style bien particulier et reconnaissable, qui donne la pêche tout en gardant des passages plus posés pour laisser le joueur respirer et apprécier. Même Running Fire, la musique la plus effrénée, respecte ces temps de calme. Que l’instant soit à l’action, à la rigolade, à la panique, à la tristesse ou au désarroi, la musique s’adapte toujours à merveille, parfois même plus qu’on ne s’y attend. Car si on retient le plus souvent de Disgaea son aspect comédie, c’est une vision qui me semble souvent très réductrice. C’est aussi une série qui a su avancer une certaine noirceur dans ses personnages et leurs relations sans l’appuyer pour autant d’un pathos exacerbé. Si cette ambiguïté trouve ses meilleurs représentants dans le casting du troisième épisode, elle se posait déjà sérieusement avec le trio du premier opus. C’est un aspect qui, pour vraiment aller au bout des choses, réclamait des musiques tranchant radicalement avec le reste de l’OST. A cet égard, je garderai toujours en tête Sorrowful Angel, musique à la construction assez simple -voire basique- en comparaison avec le reste, mais cohérente avec le sentiment de vide et de détresse qui prédomine dans ces passages. De la même façon, l’aspect impérial caricatural de Lord Laharl’s Hymn dépeint tout autant l’image que veut nous renvoyer notre aspirant Overlord que celle qu’il donne ; l’érotisme d’un Etna Boogie jouant de l’orgueil de la lolita, ou encore le caractère épique de My Comrade au diapason avec son aspect cliché, désignant une relation qui ne l’est pas moins, ne croyez donc pas que tout cela soit dû au hasard. Avec Disgaea : Hour of Darkness, jeu au développement ô combien chaotique (pensé à l’origine pour être un rail-shooter sur PS1 jusqu’à devenir un Tactical sur PS2), Tenpei Sato verse toutes ses tripes et nous signe certainement l’une de ses meilleures œuvres avec la bande-son de Phantom Brave. Une performance qui n’est pas étrangère à la réussite de la licence dans nos contrées alors que NIS n’en attendait guère que le seuil de rentabilité en Occident, une performance qu’on aimerait entendre un peu plus souvent, vu combien Tenpei Sato s’approche dangereusement avec le temps d’un deuxième Motoi Sakuraba, à savoir un spécialiste de l’auto-repompage, et du brodage de deux minutes creuses autour de trente secondes magistrales (l’OST de Disgaea 4 cristallisant cette sensation). Xeno : Disgaea… cet OVNI de la PlayStation 2 à l’ambiance si particulière, qu’elle soit graphique ou musicale. Il est certain que les compositions de Tenpei Sato ne laisseront personne indifférent. Soit vous aimerez, soit vous détesterez et de ce fait n’apprécierez pas Disgaea. Car si Disgaea a eu ce succès et a conquis une fanbase assez conséquente, mis à part grâce à son humour et ses personnages décalés, c’est surtout grâce à son ambiance musicale qui colle parfaitement aux situations souvent des plus loufoques. Les compositions du jeu de Nippon Ichi Software ne se suivent quasiment en aucune mesure. On peut trouver un thème ultra épique (The Anthem of Braves, My Comrade ou encore Planet X) suivi d’un autre ultra mélancolique voire triste, comme Sorrowful Angel qui prend littéralement aux tripes. Certaines musiques ont un combo de violon associé à des beats plus jazzy voire groovy, comme Running Fire (une de mes préférées du CD) ou encore Beautiful Round Dance (ma favorite, qui elle remplace les beats par un piano très tango), qui mettent une véritable pêche et donnent littéralement envie d’aller lancer des Prinnies sur les ennemis. S’il devait y avoir une fausse note, ce serait à mon avis le thème Red Moon en anglais, qui n’a pas la puissance émotionnelle de la version japonaise et nous fait sentir plutôt mal à l’aise car la plupart des notes sont comme étirées et me laissent personnellement de marbre. Le style musical de Tenpei Sato est (malheureusement) devenu avec le temps parfaitement reconnaissable (ou plutôt ennuyant du fait d’un non renouvellement chroniques à l’instar de Motoi Sakuraba ?), mais cette OST est indéniablement une de ses meilleures. Il ne faudrait donc absolument pas passer à côté ! Dracohelianth : L'OST de Disgaea est pour le moins atypique ! Il est certain qu'on aime, ou qu'on n'aime pas, mais un entre deux semble peu probable. Pour ma part, j'ai bien accroché à cette bande-son, même si je n'ai jamais joué à un Disgaea jusqu'à présent. Le côté humoristique, déjanté, burlesque, voire parodique, des compositions me séduit beaucoup, surtout qu'elles disposent d'une identité qui leur est propre. Le premier morceau du CD, Lord Laharl's Hymn, est l'un de mes préférés de cette OST, et la représente finalement assez bien dans son intégralité. Les thèmes chantés sont d'ailleurs très réussis, et tout simplement excellents, Etna Boogie en étant un autre très bon exemple. La bande-son contient aussi des thèmes très dynamiques et motivants (même hors de leur contexte de jeu), tels que AKUMA Drops, My Comrade, Running Fire ou encore Planet X. A côté de ça, on retrouve aussi des morceaux plus délicats (Hell's Whisper : Music Box Version) ou plus mélancoliques, emprunts d'une certaine tristesse, comme Sorrowful Angel, un très beau morceau, ou même Red Moon (dans sa version japonaise). On y trouve également des pistes teintées d'un certain entrain et d'optimisme, telles que Ray of Light to the Future, ou de détermination, à l'image de March of the Planet Earth. Finalement, une fois le CD terminé, on se rend compte de la diversité que renferme cette OST, malgré une patte reconnaissable, avec une dernière piste chantée assez inattendue (Flower of Happiness). Rédigé par Chris17cp, Delldongo, Dracohelianth, Natahem, Wolf et Xeno, le 2 mars 2016
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