Divinity Original Sin


Après les deux articles très spéciaux de juillet et août consacrés aux arrangements piano, retour aux sources avec cet article de septembre. Pour cette rentrée 2017, nous vous proposons donc de découvrir Divinity, saga majeure dans le domaine du RPG occidental, avec l'un des tout derniers opus parus, Original Sin.
Toutefois, s'il est encore le benjamin de la série, rappelons que Original Sin 2 est sur le point de sortir.

Cet article est également l'occasion de rendre hommage à Kirill Pokrovsky, compositeur attitré de la saga Divinity, tragiquement décédé en 2015.

N'oubliez pas, comme à l'accoutumée, que le forum et les réseaux sociaux sont à votre disposition pour partager votre ressenti, vis-à-vis de l'écoute ou de l'article en lui-même.

Biographie de Kirill Pokrovsky (par Tennee)

Kirill Pokrovsky est né à Moscou le 25 mars 1962. C'est à l'âge de cinq ans qu'il prend sa première leçon de musique auprès de sa mère Ludmilla, pianiste accomplie. Cette leçon est déterminante pour tout le reste de sa vie, puisqu'il poursuit ensuite ses études à l'école de musique, où il apprend à jouer du piano, du hautbois et du saxophone. Il commence par la suite à créer ses propres compositions.
Après son diplôme, il décide de poursuivre son chemin dans le monde de la musique en tant que compositeur. C'est pour développer sa créativité qu'il s'inscrit au conservatoire de Moscou, où il se concentre sur la théorie musicale et la composition. Après une participation dans divers types de projets (films, télévision, radio, théâtre, etc.), il rencontre un certain succès en jazz, rock, pop et d'autres genres.
Alors que la musique rock est officiellement interdite jusqu'en 1986 en Russie, Pokrovsky enregistre déjà deux albums au sein du groupe de rock ARIA en 1984 et 1985, et ce malgré le risque que cela représentait en URSS. Procéder en cette période permet néanmoins au groupe de gagner en notoriété. Aussi, après la perestroïka, le groupe remporte un énorme succès, le menant à être le tout premier groupe de rock Russe à être reconnu.
Pokrovsky reste plusieurs années au sein de ce groupe (qui changera de nom en cours de route pour MASTER), mais décide de le quitter en 1989 pour se focaliser sur sa carrière solo.
Celle-ci le conduit d'ailleurs en Europe occidentale, et plus précisément en Belgique où il s'installe. C'est en 1991 qu'il sort son premier album, baptisé "BRUGGE" en l'honneur de la ville de Bruges dont il est profondément admiratif. Dans cet album, l'artiste présente des compositions piano d'un style néo-classico-romantique.

Le style musical de Pokrovsky ne se concentre pas sur les formes musicales et la structure des tonalités, mais recherche principalement les lignes mélodiques et les émotions apportées par les sons. On retrouve donc dans le cadre de son travail des intonations typiques slaves, mais également comme sources d'inspirations les traditions héritées de célèbres compositeurs russes du 19e et 20e siècle, Tchaikovsky et Rachmaninov.

Pokrovsky parcourt la Belgique, la Hollande et la France pour y effectuer des représentations publiques, entre 90 et 98. Il continue en parallèle son travail en studio pour divers projets (théâtre, films et productions multimédia (et notamment sa première composition pour un jeu vidéo, The Led Wars, un jeu de Stratégie en Temps Réel de 1997)). Il écrit également des chansons et fait des arrangements pour divers groupes et artistes.

L'artiste commence à travailler en tant que compositeur pour le studio de développement belge Larian Studios basé à Audenarde, mais poursuit son travail sur d'autres projets en même temps. C'est à ce moment-là qu'il commence à aborder un nouveau genre de musique, la « Musique de l'Âge des Rêves » (Dream-Age Music) : des compositions calmes, rêveuses et planantes. D'après ses propres termes, elles sont comme « une conversation très calme ». Avec elle, Pokrovsky imagine une « conversation directe avec le cœur de ses auditeurs ».
Dans le domaine du jeu vidéo, ses compositions se résument principalement à la saga Divinity. La première d'entre elles date de 2002 avec Divine Divinity, puis arrive Beyond Divinity en 2004, Divinity II : Ego Draconis en 2009, Dragon Commander en 2013, et enfin son ultime travail en 2014 avec Divinity Original Sin, sobrement intitulé Musica Divina. Malheureusement, Kirill Pokrovsky ne pourra pas prendre part aux jeux suivants, dont Divinity Original Sin 2, étant tristement décédé le 1er juin 2015 des suites d'une longue maladie. Il sera donc remplacé par son confrère Borislav Slavov, dont nous vous parlerons peut-être une autre fois…

Sélection (par Tennee)
Critique de l’OST (par Delldongo et Tennee)

Divinity : Original Sin bénéficie d'un atout majeur dans sa manche : une saga entière qui se déroule dans le même univers. Loin d'être un prétexte à recycler les thèmes déjà entendus précédemment, on peut néanmoins en retrouver certains, ici, dans une version réorchestrée.

Cela dit, si la bande-son ne contient que 22 pistes, c'est justement parce que celles tirées des précédents opus – que l'on peut parfois entendre en jeu –  n'y sont pas présentes. On en abordera ici quelques unes, considérées comme des pistes inédites (unreleased tracks) sur la toile, mais l'on se concentrera de prime abord sur les 22 pistes officiellement publiées dans la bande-son.

Pour ses travaux, Kirill Pokrovsky se repose sur plusieurs éléments : la musique médiévale d'Europe centrale et de l'ouest, mais aussi les musiques slaves et les traditions russes. On entendra beaucoup de violon, d'instruments à cordes pincées (harpe, guitare, balalaïka) et de piano, mais aussi de chants et de percussions.

Si la bande-son de Divinity : Original Sin n’est donc pas forcément très recherchée du point de vue de l’harmonie ou des formes, son intérêt réside principalement dans les sonorités, ainsi que sur quelques thèmes mélodiques difficiles à oublier. C’est par exemple le cas de la toute première musique : Original Sin, qui pourra sembler un peu passe-partout aux premiers abords, mais dont on ne pourra s’empêcher de retenir le thème principal.

La bande-son n’étant faite que d’instruments de synthèse, cela permet à Pokrovsky d’utiliser une grande diversité de sons, même si les cordes en longues notes tenues et liées sont omniprésentes tout au long de l’OST. Pour la partie mélodique, il utilise parfois des sons bizarres et indéfinissables (Guardians of Light), ou bien des chants sous formes de choeurs (probablement des « samples »). La cinquième piste, Bittersweet Regrets, nous fait découvrir un nouvel aspect du compositeur, car nous avons ici affaire à une musique bien plus caractéristique. Bien typée « Moyen-Âge », la pièce est entraînante et ne possède pas les quelques lourdeurs qu’on peut remarquer dans les premières pistes. Même constat pour Forest of Fairytales, qui reste dans la même lignée (on se rapproche ici des musiques populaires slaves), cette fois avec des flûtes pour mener une véritable danse entêtante, à la limite de la musique répétitive pure et dure.

Certaines musiques pourront sembler un peu plus discrètes, surtout lorsqu’elles sont un peu trop systématiques et pas assez inventives en termes d’instruments, comme Pleasure of Simplicity. D’autres sonnent quand même assez bizarrement (Divine Transcendence, Desert of Illusions, Mysterious Guest), où certains sons typiquement synthétiques peuvent surprendre. La magnifique piste Memories of the Future, plus complexe sur le plan de forme, se démarque nettement des autres grâce à son solo de piano et quelques formules néo-baroques bienvenues qui produisent toujours un bon effet. Dans sa seconde partie, le morceau s’anime petit à petit et s’offre des modulations et des variations très intéressantes. Dans Dance of Death, changement radical d’atmosphère avec une piste très rythmée (et réussie !), là où le reste de l’OST reste malgré tout dans des tempi modérés, voire lents.

Medieval Tears fait partie des ces musiques immédiatement reconnaissables, disposant en outre d’une orchestration plus légère ce qui permet une plus grande clarté de la mélodie. C’est également le cas, dans un tout autre univers, pour Power of Innocence, principalement dédié au piano. Malgré un aspect systématique, la pièce fonctionne à merveille et se permet même des audaces harmoniques plutôt rares chez le compositeur, qui sait également trouver des ambiances plus sérieuses, épiques quand il le faut (Revenge of the Forgotten Gods, Source Hunter). Les ambiances rêveuses (Voice of Reason) et de grands espaces ne sont pas oubliés non plus (Drowning Hope, Lake of Serenity), car au final, cette OST présente une bien plus grande diversité qu’il n’y paraît. On pourra donc d’autant plus facilement pardonner quelques passages sans grande imagination (comme le début de Flutter of a Butterfly, d’une rare laideur, la suite de la pièce est heureusement bien meilleure), et les quelques longueurs qui existent ça et là (notamment dans Voice of Reason).

Comme expliqué au début de cette critique, bon nombre de pistes présentes dans Original Sin sont des reprises, réarrangements ou ré-orchestrations de mélodies déjà parues dans un (ou plusieurs) jeu de la saga. L'une des plus surprenantes n'est autre que Drunk with Dwarven Mirth, facilement reconnaissable à ses sonorités et sa chanson à onomatopées (à l'origine présente dans Divine Divinity). On pourra noter également quelques pistes provenant de Divinity II, comme la courte et mélodieuse Anirban Encounter 3, la musique de combat Tides of Battle ou encore Broken Valley Wakes.
Malgré des musiques qui pourraient - de prime abord - sembler triviales, cette bande-son de Divinity : Original Sin marque malgré tout les esprits, notamment grâce à quelques musiques très personnelles et des choix d’instrumentations originaux. Si tout n’est pas parfait, que ce soit du point de vue musical ou de l’orchestration parfois un peu lourde et étouffante, l’OST reste d’une très d’une belle qualité et possède son propre charme, assez éloigné des conventions du genre. A écouter, donc !

Quelques pistes à ne pas manquer
L'avis de Sadness

N’ayant encore débuté l’aventure que de façon très sporadique, je me permets tout de même de donner mon avis sur l’OST de Divinity Original Sin. Le travail de Kirill Pokrovsky est tout bonnement admirable et donne un certain cachet au jeu. Même si je n’ai fait que le tout début de l’aventure, les différentes pistes arrivent parfaitement à nous immerger. Jonglant avec énormément d’instruments, l’un des titres phares du jeu restera à mes yeux Original Sin qui nous donne une grande impression d’aventure et de voyage.  

Ce qui est sûr, c’est que cette OST donne envie de se replonger un peu plus dans le jeu, même si je ne suis clairement pas fan du système de combat et du style un peu trop occidental du titre.

L'avis de Tennee

S'il n'aura probablement échappé à personne que Divinity : Original Sin fait maintenant partie de mes RPG préférés, il n'est cependant pas toujours évident de s'attacher à une bande-son. Loin d'être banale, celle d'Original Sin sort du lot, notamment pour les sons synthétiques qui la composent. On l'entend déjà dès le thème principal : les notes de violon sonnent fort et les variations ne sont pas très fluides. Cela n'empêche en rien de se sentir transporté. On a l'impression de naviguer et d'être ballotté au gré des vagues, au rythme de la mélodie. Peut-être cela était-il destiné à accompagner le début de partie, où les Traque-Source débarquent pour la première fois dans Rivellon ? Ou peut-être est-il finalement voué à représenter la substance-même du jeu, le Péché Originel ?

Beyond the Waves of Time, quant à elle, nous emporte par-delà le temps et l'espace, littéralement. La Fin des Temps, un lieu visité à de nombreuses occasions durant l'histoire, est aussi au centre des interrogations du joueur (et des protagonistes). Cette piste est tout simplement empreinte de mysticisme, notamment grâce aux voix.

Bittersweet Regrets, comme son nom l'indique, mêle plusieurs sentiments : le calme, mais pourtant pas une sérénité totale. On ressent aussi une certaine amertume. Cyséal, ce village de pêcheurs pourtant si tranquille, serait-il tourmenté d'une quelconque manière ?

Bien sûr, toutes les pistes ne sont pas égales, et certaines peuvent laisser sur sa faim. Forest of Fairytales, par exemple, est plutôt répétitive, mais les sonorités de flûte permettent néanmoins de la distinguer des autres. On peut aussi se réjouir que l'un des thèmes principaux de combat, Dance of Death échappe largement au manque d'inspiration. Plutôt entraînante, elle compense avec le système de combat de stratégie au tour-par-tour, et donc plutôt posé, du titre.

Nous avons aussi droit à une mélodie plutôt bavarde avec Power of Innocence. Jouée en partie au piano, elle nous raconte une histoire qui pourrait bien rester gravée dans nos mémoires.

Finalement, on retiendra de cette bande-originale son… originalité ! Peut-être aurait-on pu apprécier davantage des sonorités et orchestrations naturelles, mais on ne peut ignorer qu'elle est tout de même d'une grande qualité, variée et colorée, comme le jeu qu'elle accompagne. Pour son ultime travail, Kirill Pokrovsky nous prouve que la valeur d'un compositeur ne repose pas uniquement sur la longueur de sa discographie.

Heureusement pour nous, la musique voyage par-delà les époques, et ces conversations musicales – qu'il a composées et qui nous vont droit au cœur – seront éternelles.

L'avis de Wolfangele

Je ne connais pas du tout le jeu, mais à l'écoute de cette OST je peux dire qu'elle est assez originale dans son ensemble, notamment avec les divers sons parfois étranges.

La première musique Original Sin m'a tout de suite embarquée dans son univers, et reste une des pistes les plus marquantes. Je suis grande amatrice des choeurs, des voix, et des passages de certaines pistes en proposent, apportant une touche splendide, je pense notamment à Beyond the Waves of Time, qui donne une dimension vraiment mystique (un peu comme pour Divine Transcendance).

Certaines se distinguent par les instruments différents, comme la flûte pour Forest of Fairytales, qui m'a marquée par son rythme et son petit air entraînant, même si elle est un peu répétitive. En version plus calme, mais reconnaissable pour son style, j'ai adoré Bittersweet Regrets. Je suis attirée par les musiques épiques, autant dire que je suis servie avec Revenge of the Forgotten Gods et Source Hunter. Même si je n'ai pas fait le jeu, Dance of Death est une musique de combat, apportant un bon tempo et se prêtant bien à son rôle je pense.

L'une des musiques, Power of Innocence, véritablement marquante et donc ma préférée, avec sa grande partie au piano et sa mélodie splendide, risque de rester un moment dans ma tête.

Ce qui en sort à la fin de l'écoute, c'est l'originalité de cette bande-son, avec des sonorités parfois étranges, en tout cas, elle se différencie totalement des autres. Elle m'a  tout simplement donné envie de voyager dans cette saga.

L'avis de Kiritolink

Il aura fallu du temps pour que je participe enfin à ce RDV mensuel qu'est "l'ost du mois". Ce RDV musico-littéraire que RPGSoluce propose assidûment à ses fidèles lecteurs. Je ne cache pas ma joie d'y participer d'autant plus que ce mois-ci le jeu m'est cher. Divinity Original Sin, RPG propulsé par

Kickstarter au rang (personnel) d'un des meilleurs RPG PS4. Tout droit arrivé d'une version PC déjà excellente, Divinity Original Sin Enhanced Edition réussi là où beaucoup d'autres se sont se lourdement gaufrés, le portage sur console. Je ne suis pas un fan de la première heure, j'ai d'ailleurs connu ce jeu par hasard et de façon tardive.

Si je porte ce jeu si haut dans mon estime c'est en partie pour sa bande-son. Oublions un instant les innombrables qualités du jeu pour se focaliser sur les mélodies proposées par Kirill Pokrovsky. Les pistes tantôt mélancoliques, tantôt envoûtantes, tantôt épiques, tantôt oniriques. Certaines font échos à la musique Dream (pour les plus jeunes, la Dream est un style musical électronique apparu à la fin des années 90). Certains titres, comme Beyond the Waves of Time, me plongent immédiatement dans un passé qui a connu une fulgurance avant de disparaître. Si cette ressemblance agit comme une madeleine de Proust ce n’est pas un hasard.

Kirill s’emploie à donner vie à Divinity Original Sin par ses compositions qui ne savent que trop bien s’adapter à l’univers du jeu.

L'avis de Xeno

Dire que l’OST de Divinity : Original Sin est « originale » serait un jeu de mot assez mal venu, pourtant c’est bien le cas. Cette bande-son dispose d’un véritable trait de caractère qui la rend assez unique en son genre. Dès que l’on commence l’écoute, nous voilà transportés dans l’univers du péché originel (sic) au Moyen-Âge. En effet, l’ensemble des sonorités et des instruments utilisés arrivent à créer une ambiance médiévale qui sied sans nul doute à l’univers du jeu. Bittersweet Regrets en est le meilleur exemple.

Ensuite, la bande-originale possède un trait véritablement mystérieux voire mystique. En effet, l’ensemble des choeurs utilisés dans les nombreuses pistes au long de cette OST ajoute une sensation oppressante et, encore une fois, nous transporte dans l’univers du jeu. Un des meilleurs exemples pourrait être Beyond the Waves of Time, qui ne manque pas d’être intemporelle, ou encore Voice of Reason, qui nous laisse songeur.

Dans un autre style, Dance of Death, la musique de combat, est véritablement entraînante et donne envie de se jeter dans la bataille voire de prolonger le plaisir !

Finalement, l’ensemble de l’OST est une réussite. L’écoute se fait en toute sérénité, il suffit de fermer les yeux pour se retrouver dans le jeu – et ce, sans y avoir joué. Petit bémol toutefois pour Forest of Fairytale, qui tranche beaucoup trop avec le style du jeu et, à mon avis, n’a pas sa place au milieu de tout cela.

La « cover » du mois : Bittersweet Regrets & Drunk With Dwarven Mirth (par Delldongo)

Rédigé par Delldongo, Kiritolink, Sadness, Tennee, Wolfangele et Xeno le 7 juin 2017

Tu te bats comme une volaille estropiée !, Weiss, Nier Thèmes
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