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Bienvenue, cher lecteur, sur notre 33e article de l'OST du Mois. Cela fait presque trois ans maintenant que ce mensuel a débuté, et nous n'avions pourtant pas encore pris la peine de vous présenter l'un des plus célèbres compositeurs japonais, j'ai nommé Nobuo Uematsu. Bien que nous ayons eu l'embarras du choix quant à l'OST à vous présenter, c'est sur Lost Odyssey que notre attention s'est portée. A la fois emblématique et trop peu connu du grand public, ce RPG sorti sur Xbox 360 en 2008 dans nos contrées a néanmoins reçu des éloges bien mérités sur de nombreux aspects. Vous trouverez dans cet article une biographie du compositeur et une sélection (bien trop courte, malheureusement) de ses divers travaux. Ensuite, vous pourrez apprécier la critique et une sélection de la bande-son, ainsi que d'autres avis des membres de l'équipe, et pour finir, une reprise au piano. Nous sommes toujours ravis de recueillir vos impressions, que ce soit concernant l'article ou l'OST en elle-même, sur notre forum ou bien nos réseaux sociaux !
Né le 21 mars 1959 à Kochi au Japon, Nobuo Uematsu est très certainement le compositeur le plus connu dans le domaine des jeux vidéo. Contrairement à ce qu'on pense et à beaucoup d'autres de ses confrères, il s'agit d'un autodidacte, qui a commencé le piano relativement tardivement (vers l'âge de 11 ans). Même s'il n'a jamais pris de cours pour cet instrument, sa grande soeur étant pianiste l'a certainement un peu aidé. On sait par ailleurs qu'il commence à composer à peu près vers cet âge-là. Après un diplôme d'anglais obtenu à l'Université de Kanagawa, il tient la partie de clavier dans plusieurs groupes musicaux. A cette époque, il compose également quelques musiques pour des spots publicitaires. Mais sa carrière va prendre un départ inattendu : alors qu'il travaille dans un magasin de location de matériel musical, un membre de Square lui demande s'il serait intéressé pour composer quelques morceaux pour des jeux en développement. Il accepte, mais reste prudent, considérant la composition comme un second travail lui permettant de mieux gagner sa vie. C'est en 1985 qu'il rejoint officiellement Square. II compose sa première bande-son pour le jeu Cruise Chaser Blassty en 1986. C'est alors qu'il rencontre une personne décisive : Hironobu Sakaguchi, qui lui demande de composer la bande-son de ce qui aurait dû être le dernier titre de Square : Final Fantasy. Nous sommes en 1987 et le RPG remporte un tel succès que Uematsu composera des musiques pour environ 30 titres de la saga. Il ne faut pas oublier non plus qu'il a contribué à d'autres séries, notamment le premier SaGa (intitulé Final Fantasy Legend en Occident) en compagnie de Kenji Ito. Ce dernier aidera d'ailleurs Uematsu pour la bande-son de Final Fantasy II. On a tendance à oublier aussi que Uematsu a composé une bonne partie de la bande-son de Chrono Trigger, en remplacement de Yasunori Mitsuda, alors souffrant. Nobuo Uematsu travaille aussi pour d'autres jeux, un peu moins connus, comme Front Mission : Gun Hazard, DynamiTracer ou encore Hanjuku Hero. On le retrouve aussi dans d'autres projets où il compose quelques pistes pour des films ou des séries d'animation (Ah! My Goddess : The Movie, Final Fantasy Unlimited). Il compose aussi un album personnel nommé Phantasmagoria. Pour revenir aux jeux vidéo, après neuf épisodes de la série Final Fantasy où il compose l'intégralité des musiques, Uematsu devient à la fois insatisfait et semble manquer d'inspiration. Il ressent donc le besoin de se faire aider pour la composition des musiques de Final Fantasy X. C'est ainsi que deux compositeurs majeurs le rejoignent : Masashi Hamauzu et Junya Nakano. A partir de cet épisode, il ne sera plus jamais seul à la composition d'un épisode, se mettant de plus en plus en retrait (Final Fantasy XI). En 2002, Kenichiro Fukui et Tsuyoshi Sekito, deux musiciens travaillant chez Square lui proposent de fonder un groupe dédié à l'interprétation et à la mise en valeur de ses compositions. Même s'il refuse dans un premier temps, il accepte cette idée après avoir tenu le clavier avec eux le temps d'un concert. Ainsi sont nés The Black Mages. En 2003 Keiji Kawamori, Arata Hanyuda et Michio Okamiya rejoignent le groupe, qui sortira trois albums studio et participera à de nombreux concerts. Le groupe est dissout en 2010, mais Uematsu fonde alors un autre groupe, les Earthbound Papas. Après presque 20 ans de bons et loyaux services, Nobuo Uematsu quitte Square Enix en 2004, créant de suite sa propre maison de production : Smile Please. Il continue néanmoins à travailler pour Square Enix, mais en tant que freelance. En 2006, il se voit proposer la composition de la bande-son de Final Fantasy XII, mais c'est finalement Hitoshi Sakimoto qui est désigné, Uematsu ne composant que la chanson-thème du jeu. Uematsu, fidèle à l'un de ses premiers contacts, accompagne Sakaguchi dans sa nouvelle aventure en signant plusieurs bandes-son : Blue Dragon, Lost Odyssey, Away : Shuffle Dungeon, The Last Story, et enfin la série des Terra Battle. Se faisant de plus en plus discret, ses participations récentes pour certaines bandes-son ne concernent qu'une seule piste : Ragnarok Odyssey Ace, Fairy Fencer F, Tokyo Twilight Ghost Hunters, Chunithm: Seelisch Tact, … Malgré tout, la musique de Nobuo Uematsu reste l'une des plus jouées lors de concerts dédiés aux musiques de jeux vidéo : Distant Worlds, Tour de Japon, Dear Friends, More Friends, Voices, … Concernant le style de Nobuo Uematsu, on pourrait le qualifier de classique, avec des éléments pouvant aller du Heavy Metal à de la techno en passant par de l'électro. Ses compositions sont le plus souvent centrées sur une mélodie accompagnée, ce qui leur confère un aspect parfois simpliste mais aussi très expressif. Il faut aussi noter que la principale qualité de sa musique reste sans doute sa capacité à pouvoir s'écouter indépendamment du jeu. Il existe également de nombreuses autres influences chez le compositeur ; celtique notamment, ce qui se ressent notamment dans ses toutes premières musiques. Mais ses sources d'inspirations sont nombreuses et très disparates : cela va d'Elton John, aux Beatles, à des compositeurs classiques comme Tchaïkovski. Il indique même que l'un des ses morceaux les plus connus (One-Winged Angel) a comme inspiration la chanson Purple Haze de Jimi Hendrix. Cela dit, l'homme ne manque pas d'humour : grand amateur de lutte, de bière et de bicyclette, il s'amuse à dire que l'inspiration lui vient lorsqu'il promène son chien. Parfois appelé le « John Williams » de la musique de jeux vidéo, Nobuo Uematsu est une personnalité essentielle, ne serait-ce que pour avoir fait progresser la reconnaissance de ces musiques en général, tout en influençant lui-même grandement d'autres musiciens.
Nous vous proposons exceptionnellement une double playlist du compositeur : la première partie (14 pistes) consacrée à Final Fantasy, et la seconde (24 pistes) sur les OST des autres jeux pour lesquels il a participé.
L'OST de Lost Odyssey fait partie des premières bandes-son composées par Nobuo Uematsu « post-Final Fantasy ». Elle vient chronologiquement après celle, un brin décevante, de Blue Dragon qui versait sans doute un peu trop dans la copie et les fonds de tiroir. Ici, Uematsu change un peu de concept, avec l'utilisation à la fois d'un orchestre symphonique et d'instruments de synthèse, un mélange savamment organisé qui culminera dans le thème principal du jeu (qui est pour cette raison placé à la toute fin de l'OST). Se répartissant sur deux CD réunissant 56 pistes, l'OST débute sur la pointe des pieds avec le Prologue, joué sur l'écran-titre, faisant entendre le thème principal du jeu, qui laisse entrevoir un peu d'inquiétude. Ce qu'on peut tout de suite remarquer, c'est que Nobuo Uematsu n'a pas changé sa façon de concevoir une bande-son, et on retrouvera donc une manière « classique » d'aborder le sujet : thème principal, thèmes de lieux, de combats et de situations. Nous trouverons aussi des musiques « uniques », qui ne seront entendues que lors de cinématiques ou des scènes particulières, comme Battlefield, qui pose de suite l'ambiance épique pour la scène d'introduction. On continue ensuite avec le thème des combats, Furnace of War, là encore joué par un orchestre symphonique. Bien sûr, étant donné qu'elle sera entendue de nombreuses fois au cours du jeu, cette musique présente l'avantage d'être relativement longue et assez variée. Avec l'orchestre, le piano tiendra aussi une place de choix dans cette bande-son, comme c'est le cas dans The Immortal Life, A Sign of Hope, Erosion of Magic, Determination ou encore dans Parting Forever, conférant à ces musiques un aspect nostalgique. Ces pistes, un peu discrètes et « décoratives » seront d'ailleurs notamment utilisées pour illustrer les nouvelles de Millénaire de Rêves. Cela dit, le piano n'est pas uniquement dédié à ce type de pistes : celui presque désaccordé de The Witch's Mansion inspirera plus de la peur qu'autre chose. Mais, nous l'avons dit, l'orchestre va souvent céder sa place ou se mêler aux instruments de synthèse, et c'est le cas pour les pistes suivantes, notamment Battle-Ready, le thème des affrontements contre les boss, nettement plus affolant que celui des combats normaux. Là où cela va peut-être trop loin, c'est avec An Enemy Appears! (le thème des combats dans l'arène). Les sons choisis ne sont pas du meilleur goût et la musique part un peu dans tous les sens, se rapprochant par ailleurs dans son esthétique de Blue Dragon. De manière générale, il est vrai qu'il est souvent tentant de rapprocher pas mal de musiques avec celles de différents Final Fantasy. On pourrait ici penser à March of War, qui fait beaucoup penser à SeeD de Final Fantasy VIII, mais ce serait se tromper sur l'originalité et l'inspiration générale de la bande-son, qui propose un vrai renouvellement, non pas sur la forme, mais dans le traitement des instruments. Ainsi, les musiques des différents lieux sont assez originales, et surtout bien différentes les unes des autres, conférant ainsi au monde de Lost Odyssey un vrai caractère. L'apparente tranquillité de la ville d'Uhra laisse entrevoir un certain malaise (The City of Uhra), tandis que World of Ice nous imposera son silence mêlé de solitude glacée. Un vrai contraste avec White Depot Ship, qui respire la sérénité et le repos. Dans Numara Palace, des sonorités exotiques et lointaines se font entendre, comme pour évoquer une contrée au-delà de toute connaissance, ce qui est aussi le cas dans The City of Numara, qui transmet également un certain sentiment de sécurité. Une toute autre ambiance nous est donnée par Kelolon Forest, à mi-chemin entre l'humour, l'aspect mignon des créatures et une certaine étrangeté du lieu. On retrouve un peu cette légèreté dans Intrusion, mais en nettement plus sombre. Autre lieu, autre ambiance : Tosca Village semble décrire une scène pastorale pleine de quiétude. Nobuo Uematsu semble avoir particulièrement soigné ces musiques dédiées à différents lieux : Saman, Town of Merchants, The City of Gohtza (très sombre et peu engageante), Blizzard Plains. Comme fondation de la musique de Nobuo Uematsu se trouve la mélodie, car c'est principalement sur elle que repose tout le discours musical. Et une des pistes les plus emblématiques à ce niveau est celle de la carte du monde : Neverending Journey. Il s'agit du thème principal du jeu, mais qui n'apparaît plus du tout inquiet, en imprimant au contraire une sorte d'espoir. L'apparition des guitares électriques, sur un rythme toujours aussi reposant, n'en produit que plus d'effets. Le thème principal du jeu, que l'on retrouvera à de nombreuses reprises tout au long de l'OST, parfois de manière un peu surprenante, comme par exemple dans Escape!. Eclipse of Time (Harp Version), fait également la part belle à une mélodie à la fois simple, mais très expressive. L'utilisation de la harpe seule, plutôt que le piano, confère à cette musique une dimension nostalgique supplémentaire. D'autres instruments solo seront utilisés dans l'OST : la boîte à musique (Small Recollections), la guitare (What You Are (Guitar Version)) et bien entendu le piano, avec l'émouvante piste Kaette kuru, kitto... (Piano Version). Cette dernière musique parvient à être suffisamment expressive, sans être mièvre, progressant jusqu'à un point culminant assez rare dans les compositions de Nobuo Uematsu. Nous trouvons dans cette OST assez peu de thèmes pour les personnages. Un des seuls qui soit représenté ainsi est Gongora (Gongora's Plot), grâce à une musique qui met tout de suite mal à l'aise, avec ses nombreux demis-tons qui la rendent assez instable. Il faut noter qu'on retrouvera ce thème très caractéristique un peu partout dans les musiques qui évoquent le personnage : The Mystery of the Magic Engine, The Magic-Possessed Man, jusqu'à l'angoisse à l'état pur qu'évoque Space Distortion qui introduit le thème du boss de fin, Howl of the Departed, dans le plus pur style « The Black Mages », aux antipodes d'une quelconque « beauté » recherchée. Mais que serait une bande-son sans des musiques un peu plus épiques, et là, nous sommes servis, notamment avec A Formidable Enemy Appears! où l'orchestre peut s'en donner à coeur joie, surtout pour les trompettes, qui donnent un côté flamboyant et parfois presque volontairement grotesque à la musique. Dans un tout autre style, mais utilisant également tout l'orchestre, Wanderers in the Darkness, parvient à créer une ambiance assez proche de celle de Great Ruins of the East. L'allure martiale de A Great Voyage fait également la part belle à tout l'orchestre, qui sera mis à contribution de la plus belle manière pour le thème de fin, Light of Blessing ~ Letter. L'apothéose de la bande-son n'est autre que le Main Theme, qui, au-delà de réussir la difficile fusion de l'orchestre et d'instruments de synthèse, transmet toute l'énergie, toute l'émotion, ainsi que l'esprit d'aventure qui conviennent à ce type de jeux. Si l'OST possède bien sûr quelques musiques un peu moins mémorables, elle propose quelques chansons, une récurrence dans les bande-son d'Uematsu depuis Final Fantasy VIII. Généralement assez peu inspiré, il signe pourtant ici des musiques marquantes, à commencer par la version chantée de Kaette kuru, kitto... (Vocal Version), What You Are (Vocal Version), sans doute plus triviale et moins intéressante, et enfin Eclipse of Time (Vocal Version), beaucoup plus personnelle. L'OST de Lost Odyssey, bien que tardive dans le parcours de Nobuo Uematsu, constitue malgré tout l'une de ses oeuvres phares. On y retrouve bien entendu tout ce que l'on apprécie chez ce compositeur, mais également un certain renouvellement qui fait la plupart du temps oublier la saga Final Fantasy. Bien aidé par une orchestration très riche et variée, cette OST sort en quelque sorte des sentiers battus, rendant chaque piste mémorable, voire inoubliable. Quoiqu'il en soit, tout comme avec d'autres bandes-son (The Last Story), Nobuo Uematsu réussit son pari en proposant une oeuvre cohérente qui illustre à merveille le monde de Kaïm et ses états d'âme.
Il est plutôt rare de tomber sur une OST qui nous marque au point de vouloir en garder une trace dans ses playlists, au fil des années. Lost Odyssey en fait partie, pour ma part, et n'a jamais quitté sa place parmi mes bande-sons favorites. Assez longue (comme le jeu d'ailleurs), elle n'en est pas moins variée et s'adapte à toutes les situations. Le Prologue nous met directement dans le bain, avec sa mélodie douce qui gagne en puissance et en dynamisme à mesure qu'elle progresse. Aucune piste n'est morne ou ennuyeuse, chacune propose sa propre ambiance mais sans jamais finir hors sujet. On retrouve le thème principal (Main Theme) dans plusieurs pistes, mais il arrive à se faire suffisamment discret et nuancé pour ne jamais donner un air de redondance. Les thèmes de combat ne sont pas à prendre à la légère ; le premier de l'OST, Furnace of War, donne le ton et met en valeur le côté épique des batailles. De manière plus personnelle, il est impossible de ne pas citer des pistes qui me sont particulièrement agréables à l'écoute, que ce soit le thème de la ville The Capital of Uhra, ou celui de la carte du monde Neverending Journey, probablement ma mélodie préférée. J'aime également beaucoup la très rythmique An Enemy Appears!, qui rompt totalement avec le reste de la bande-son. The Wanderer of Darkness, est, quant à elle, une très jolie valse.
Il existe des OST qui subliment et accompagnent parfaitement un jeu, mais qui, prises seules, sont aussi magnifiques : et c'est le cas de celle de Lost Odyssey. Elle fait partie de mes OST préférées en proposant de nombreuses musiques variées toutes intéressantes à écouter. Le plus surprenant c'est qu'en plus d'avoir des musiques jouées par tout un orchestre, certaines sortent du lot pour sublimer un instrument, comme le splendide et paisible morceau What You Are (Guitar Version). Mais la variété n'est pas qu'instrumentale, les genres sont aussi multiples : on trouve une valse avec The Wanderer of Darkness et un peu de rock avec Dark Saint, toutes les deux splendides dans leur style. Il en va de même avec les atmosphères, la mélancolie avec la magnifique Invasion, ou l'effroi et l'angoisse avec la terrible The Witch's Mansion. En résumé, cette OST est magnifique et reste une des meilleures que j'ai entendu et que je réécoute à loisirs, notamment mes pistes préférées.
Rédigé par Delldongo, Tennee et Wolfangele le 6 mai 2018
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